La Chambre Sociale de la Cour de cassation, par un arrêt majeur du 10 septembre 2025, vient d’opérer un revirement de jurisprudence : Désormais, le salarié placé en arrêt maladie pendant ses congés payés a droit au report des jours de congés non effectivement pris. Cependant, pour que le droit au report existe, l’arrêt maladie doit avoir été notifié par le salarié à l’employeur.
En tant qu’avocat en droit du travail au Barreau de La Rochelle – Rochefort, je vous propose une analyse claire de cette décision et de ses conséquences pratiques, aussi bien pour les employeurs que pour les salariés.
Le revirement opéré par la Cour de cassation et la mise en conformité avec le droit européen.
Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait que le salarié qui tombe malade au cours de ses congés payés ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n’a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail (Cass.Soc., 4 décembre 1996, pourvoi n° 93 44.907).
Cette position jurisprudentielle allait à l’encontre d’un principe essentiel du droit de l’Union européenne, à savoir le droit au repos du travailleur.
En effet, la Cour de justice de l’Union européenne considère à la lumière de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003 que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs, laquelle diffère de celle du droit au congé de maladie accordé au travailleur pour se rétablir (CJUE, 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C-350/06 et C-520/06).
Par l’arrêt du 10 septembre 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation est ainsi venue s’aligner avec la jurisprudence de la Cour de Justice de L’Union Européenne (CJUE).
Elle considère désormais que « le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie ».
Toutefois, pour que ce droit au report soit effectif, il est nécessaire que le salarié ait notifié l’arrêt maladie à son employeur. A défaut, il ne pourra invoquer ce droit au report.
Les implications pratiques de ce revirement
Les conséquences pratiques pour les employeurs :
Cet arrêt n’est pas anodin pour les employeurs, lesquels vont devoir adapter leurs pratiques RH au plus vite.
- La nécessaire adaptation de la gestion des ressources humaines
Les employeurs doivent désormais intégrer cette nouvelle règle dans leur gestion quotidienne des congés payés.
Ainsi, lorsqu’un salarié informe son employeur d’un arrêt maladie survenant pendant ses congés payés, les jours concernés ne peuvent plus être considérés comme pris et doivent être reportés à une date ultérieure.
En pratique, cela implique une mise à jour des outils RH et des logiciels de paie et d’adapter les plannings, en particulier dans les secteurs connaissant des périodes de congés collectifs.
- La nécessité d’une procédure interne claire et traçable
L’arrêt du 10 septembre 2025 conditionne le report des congés à la notification de l’arrêt maladie à l’employeur.
Cependant, des incertitudes demeurent quant au délai et à la forme de cette notification.
De même, l’arrêt ne se prononce pas sur les conséquences d’une notification tardive de l’arrêt de travail par le salarié.
Dans l’attente de précisions jurisprudentielles, il apparait donc essentiel que les entreprises se dotent d’une procédure interne sur ce point, en fixant notamment :
- Les modalités de transmission de l’arrêt maladie,
- Un délai raisonnable de notification.
Une telle formalisation devrait permettre à l’employeur de sécuriser sa position en cas de litige prud’homal. En effet, l’absence de procédure interne claire pourrait être analysée comme une carence dans l’obligation d’information de l’employeur ou une atteinte au droit au repos effectif.
- Un impact financier à anticiper
Le report des congés payés non pris n’est pas neutre sur le plan économique. Lorsqu’un salarié quitte l’entreprise avant d’avoir pu bénéficier de ses congés reportés, l’employeur doit lui verser une indemnité compensatrice.
Cette obligation peut engendrer un coût non négligeable, notamment dans les entreprises où les arrêts de travail sont fréquents. Il devient donc nécessaire d’anticiper financièrement ces situations.
Les conséquences pratiques pour les salariés
Si cet arrêt marque une consécration du droit au repos des salariés, il n’est également pas dénué de conséquences pratiques pour ces derniers.
- Une obligation d’information rapide et formalisée
Le salarié malade pendant ses congés devra prévenir son employeur sans délai et transmettre son arrêt de travail. Cette notification est une condition essentielle pour bénéficier du report des jours de congés.
Une communication claire et rapide ainsi que respectueuse des procédures internes permettra d’éviter toute contestation ultérieure, notamment sur la date d’interruption des congés ou sur le nombre de jours à reporter.
- Le droit au report des congés payés non pris
Les jours concernés sont reportés à une date ultérieure, dès lors que la maladie est justifiée par un arrêt transmis à l’employeur.
Le salarié pourra ainsi :
- reporter les jours non pris dès son retour au travail,
- demander à en bénéficier avant la fin de la période de référence,
- ou, en cas de rupture du contrat avant leur prise effective, percevoir une indemnité compensatrice correspondant aux congés non pris.
Il est à noter que l’arrêt du 10 septembre 2025 n’apporte aucune précision quant aux règles applicables au report des congés payés. En l’absence de règles spécifiques, il semblerait que ce soient les règles de la loi dite « DDADUE » du 22 avril 2024 qui trouvent à s’appliquer.
- Conséquences sur la rémunération et le régime de l’arrêt maladie
Lorsque les congés sont suspendus du fait de l’arrêt maladie, le salarié bascule dans le régime des indemnités journalières.
Il s’ensuit que le paiement des congés est interrompu pendant la période de maladie et que le salarié perçoit les indemnités journalières dans les conditions légales, après application éventuelle d’un délai de carence.
Le salarié doit également respecter les heures de sortie figurant sur son arrêt maladie et informer son employeur de son lieu de repos s’il est différent de son domicile.
Ainsi, certains salariés n’auront pas nécessairement intérêt à solliciter un report des congés payés en cas de maladie pendant cette période, au vu de la perte de rémunération et des contraintes afférentes.
Dès lors, que vous soyez employeur ou salarié, les enjeux pratiques et financiers de cette jurisprudence sont importants. Aussi, pour toute question ou accompagnement personnalisé, vous pouvez contacter mon cabinet d’avocat situé à La Rochelle et à Rochefort.




