Depuis sa création en 2008, la rupture conventionnelle du contrat de travail est devenue le mode de rupture amiable du CDI le plus usité en France.
Plébiscitée à la fois par les salariés et par les employeurs, elle séduit par sa simplicité, ainsi que par les avantages qu’elle procure à chacune des parties.
Pourtant, derrière cette apparente facilité se cache une procédure très encadrée par le Code du travail et une jurisprudence abondante.
En tant qu’avocate en droit du travail à La Rochelle & à Rochefort, je vous propose un tour d’horizon de ce mécanisme, de ses avantages et risques, ainsi que de l’accompagnement que peut offrir un avocat pour sécuriser cette procédure.
1. Le cadre légal de la rupture conventionnelle
En application des articles L.1237-11 et suivants du Code du travail, la rupture conventionnelle est un mode autonome de rupture, par lequel l’employeur et le salarié s’entendent pour mettre fin d’un commun accord au contrat de travail à durée indéterminée qui les lie.
Il est important de noter que :
- Cette procédure s’adresse uniquement aux salariés disposant d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Aussi, la conclusion d’une rupture conventionnelle n’est pas admise dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ou d’un contrat d’apprentissage. De même, ce mode de rupture est exclu durant la période d’essai.
- Une rupture conventionnelle peut être conclue avec un salarié protégé. Cependant, elle devra être conclue selon un formalisme spécifique, lequel ne sera pas développé ci-après.
- L’une ou l’autre des parties peut être à l’initiative de la rupture conventionnelle. En tout état de cause, le consentement des deux parties devra être libre et éclairé. Cette procédure ne peut effectivement être imposée ni à l’employeur, ni au salarié, sous peine de nullité.
2. La procédure étape par étape
Pour être valable, la rupture conventionnelle doit être conclue selon la procédure strictement encadrée par le législateur.
L’entretien préalable
Un ou plusieurs entretiens doivent être organisés entre l’employeur et le salarié pour discuter des conditions de la rupture. A cette occasion, doivent notamment être abordés :
- La date envisagée de la rupture du contrat, laquelle ne pourra intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation,
- Le montant de l’indemnité spécifique,
- D’éventuelles conditions particulières, tels que la levée d’une clause de non-concurrence ou encore le sort de certains avantages.
Le salarié a la possibilité d’être assisté par un salarié de l’entreprise ou, en l’absence d’institution représentative du personnel, par un conseiller inscrit sur la liste dressée par l’autorité administrative.
La signature de la convention
Les parties doivent consignés leur accord sur le formulaire officiel de rupture conventionnelle, lequel vient en préciser les conditions, dont notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et la date de rupture du contrat.
Depuis le 1er avril 2022, le formulaire doit être obligatoirement rempli en ligne sur le portail : www.telerc.travail.gouv.fr. Une fois rempli, ce formulaire doit être daté et signé en double exemplaire par chacune des parties.
Un exemplaire devra impérativement être remis au salarié à l’issue de la signature, pour lui permettre également d’en demander l’homologation et garantir son consentement.
Délai de rétractation
À compter du lendemain de la signature de la convention, chacune des parties dispose d’un délai de rétractation d’une durée de 15 jours calendaires. Ce délai inclut tous les jours de la semaine, y compris le samedi et le dimanche.
La rétractation devra être effectuée par écrit, par tout moyen attestant de sa date d’envoi. La lettre recommandée avec avis de réception ou une remise en main propre contre décharge avec mention de la date de remise seront toutefois à privilégier.
Il est à noter que ce courrier n’a pas à être motivé, ni a être envoyé à l’administration.
Télétransmission et homologation
Pour être valable, la rupture conventionnelle doit faire l’objet d’une homologation par la Dreets.
Pour ce faire, un exemplaire du formulaire doit être adressé au plus tôt à compter du lendemain de la fin du délai de rétractation à la Dreets dont relève l’établissement où est employé le salarié.
Cette demande d’homologation doit être obligatoirement intervenir par voie dématérialisée, par le biais du site www.telerc.travail.gouv.fr.
L’administration dispose alors d’un délai de 15 jours ouvrables, pour vérifier le respect des règles relatives à ce mode de rupture et du consentement des parties. Il convient de souligner que ce délai commence à courir à compter du lendemain de la télétransmission et n’intègre pas les dimanches et les jours fériés.
La Dreets notifie aux parties sa décision dans le délai de 15 jours. À défaut, l’homologation est réputée acquise.
3. Les avantages de la rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle présente de nombreux atouts, aussi bien pour le salarié que pour l’employeur.
Pour le salarié
- Indemnité de rupture : le salarié perçoit une indemnité de rupture conventionnelle, qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
- Accès au chômage : sous conditions, la rupture conventionnelle ouvre droit à l’allocation chômage versée par France Travail (ex-Pôle emploi).
- Souplesse : elle permet de quitter l’entreprise dans un cadre sécurisé et négocié, tout en préparant un nouveau projet professionnel.
Pour l’employeur
- Alternative au licenciement : l’employeur peut mettre fin à la relation de travail sans engager une procédure de licenciement longue et souvent source de contentieux.
- Prévention des conflits : elle permet d’anticiper les tensions avec un salarié démotivé ou en reconversion.
- Sécurisation de la rupture : un accord négocié réduit les risques de contestation ultérieure, dès lors que la procédure est correctement encadrée.
4. Les risques de la rupture conventionnelle
Si la rupture conventionnelle est mal préparée ou conclue dans un contexte tendu, elle peut être contestée devant le conseil de prud’hommes dans un délai de 12 mois à compter de son homologation.
- Vice du consentement : la jurisprudence sanctionne régulièrement les ruptures conclues dans un contexte de pression morale, de harcèlement moral, ou encore de dol (tromperie volontaire). La convention pourra alors être annulée pour vice du consentement.
Dans ce cas, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec versement de dommages-intérêts, voire exceptionnellement ceux d’une démission.
En effet, si ces contestations émanent le plus souvent des salariés, ces derniers ne sont également pas à l’abri d’une remise en cause par l’employeur(Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817).
- Erreurs de calcul de l’indemnité : des erreurs fréquentes surviennent lors du calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, en particulier dans la prise en compte des éléments variables de rémunération (commissions, primes), de l’ancienneté réelle, des avantages accessoires (voiture de fonction, bonus récurrents).
Une mauvaise évaluation expose l’employeur à un contentieux et prive le salarié d’une partie de ses droits.
4. Rôle de l’avocat
La rupture conventionnelle, si elle est sécurisée et correctement négociée, reste une solution avantageuse pour les deux parties. Mais une procédure mal encadrée peut se transformer en source de litiges coûteux.
L’accompagnement d’un avocat en droit du travail constitue dès lors une véritable garantie de sécurité et d’efficacité, aussi bien pour le salarié que pour l’employeur.
L’intérêt de l’avocat pour le salarié
- Vérification du consentement : l’avocat veille à ce que la décision de rompre le contrat soit libre et éclairée, sans pression ni manœuvre abusive.
- Négociation de l’indemnité : il calcule précisément l’indemnité de rupture conventionnelle et peut obtenir un montant supérieur au minimum légal prévu par le Code du travail.
- Prise en compte des droits annexes : congés payés, clause de non-concurrence, primes proratisées… l’avocat sécurise l’ensemble des droits liés à la rupture.
- Sécurisation de la procédure : il anticipe les risques de refus d’homologation ou de nullité ultérieure.
L’intérêt de l’avocat pour l’employeur
- Sécurité juridique : L’avocat s’assure du respect des délais, de la procédure et du suivi administratif (dépôt via TéléRC, échanges avec la DREETS).
- Optimisation des coûts : accompagnement dans le calcul de l’indemnité, identification des coûts cachés et négociation équilibrée pour préserver les intérêts de l’entreprise.
- Prévention des litiges : grâce à la rédaction rigoureuse d’une convention de rupture venant compléter le formulaire légal, l’avocat limite les risques de contestation devant le conseil de prud’hommes. Outre la sécurisation du consentement des parties, cette convention permettra d’arrêter de nombreux points, tel que la restitution de matériel, la confidentialité, …
Important :
Il est utile de rappeler que la rupture conventionnelle se distingue de la transaction.
Une transaction réglant un différend portant sur la rupture du contrat ne peut plus être conclue après une rupture conventionnelle, sous peine de nullité.
En revanche, il reste possible de conclure une transaction réglant un différend relatif à l’exécution du contrat, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un élément lié à la rupture conventionnelle.
En conclusion
Recourir à un avocat peut sembler, à première vue, être un coût supplémentaire.
Pourtant, l’accompagnement juridique permet de sécuriser la procédure, d’anticiper les risques de contentieux et d’obtenir une négociation juste et équilibrée.
Que vous soyez salarié ou employeur, le cabinet vous assiste à chaque étape de la rupture conventionnelle afin de protéger vos droits et vos intérêts.
Pour toute question ou besoin d’assistance, n’hésitez pas à contacter Maître Aurélie Doranges pour une consultation personnalisée.